Loueurs en meublé : êtes-vous redevable de la CFE ?

La location meublée, qu'elle soit occasionnelle ou régulière, soulève de nombreuses questions fiscales. Parmi elles, la Cotisation Foncière des Entreprises (CFE) est un sujet qui préoccupe de nombreux propriétaires. Cette taxe, souvent méconnue, peut avoir un impact significatif sur la rentabilité de votre investissement locatif. Comprendre les subtilités de la CFE est donc essentiel pour tout loueur en meublé, qu'il soit professionnel ou non. Quels sont les critères d'assujettissement ? Comment est-elle calculée ? Existe-t-il des possibilités d'exonération ? Explorons ensemble les tenants et aboutissants de cette obligation fiscale.

Définition et cadre juridique de la CFE pour les loueurs en meublé

La Cotisation Foncière des Entreprises est un impôt local qui a remplacé la taxe professionnelle en 2010. Elle constitue, avec la Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE), la Contribution Économique Territoriale (CET). La CFE s'applique à toute personne physique ou morale exerçant une activité professionnelle non salariée au 1er janvier de l'année d'imposition.

Pour les loueurs en meublé, la CFE revêt une importance particulière. En effet, la location meublée est considérée comme une activité commerciale par l'administration fiscale, même lorsqu'elle est exercée à titre non professionnel. Cette qualification entraîne des conséquences fiscales, dont l'assujettissement potentiel à la CFE.

Le cadre juridique de la CFE pour les loueurs en meublé est défini par les articles 1447 à 1478 du Code général des impôts. Ces dispositions précisent les conditions d'assujettissement, les modalités de calcul et les possibilités d'exonération. Il est crucial pour les loueurs de bien comprendre ces règles afin d'anticiper leurs obligations fiscales.

Critères d'assujettissement à la CFE pour les locations meublées

L'assujettissement à la CFE pour les locations meublées dépend de plusieurs critères. Ces derniers permettent de déterminer si un loueur est redevable de cette taxe et dans quelle mesure. Examinons en détail ces différents aspects.

Seuils de chiffre d'affaires et durée de location

Le premier critère à prendre en compte est le chiffre d'affaires réalisé par l'activité de location meublée. Depuis 2019, un seuil d'exonération a été mis en place : les loueurs dont les recettes annuelles sont inférieures à 5 000 € sont automatiquement exonérés de CFE. Ce seuil concerne le chiffre d'affaires hors taxes de l'année N-2, c'est-à-dire deux ans avant l'année d'imposition.

La durée de location joue également un rôle dans l'assujettissement à la CFE. Une location occasionnelle ou de courte durée peut être considérée différemment d'une location régulière sur l'année. Cependant, il n'existe pas de durée minimale légale à partir de laquelle la CFE s'applique systématiquement. L'administration fiscale examine chaque situation au cas par cas.

Statut fiscal du loueur : professionnel vs non-professionnel

Le statut fiscal du loueur, qu'il soit professionnel (LMP) ou non professionnel (LMNP), n'a pas d'incidence directe sur l'assujettissement à la CFE. En effet, les deux catégories de loueurs peuvent être redevables de cette taxe. La distinction entre LMP et LMNP repose sur d'autres critères, notamment le montant des recettes et la proportion des revenus locatifs dans les revenus globaux du foyer fiscal.

Cependant, le statut peut influencer indirectement l'assujettissement à la CFE. Les loueurs professionnels, qui exercent généralement leur activité à plus grande échelle, sont plus susceptibles de dépasser le seuil d'exonération de 5 000 € de chiffre d'affaires annuel.

Impact du régime fiscal choisi (micro-BIC, réel simplifié, réel normal)

Le choix du régime fiscal pour la déclaration des revenus locatifs n'a pas d'impact direct sur l'assujettissement à la CFE. Que le loueur opte pour le régime micro-BIC, le réel simplifié ou le réel normal, il peut être redevable de la CFE si les autres critères sont remplis.

Néanmoins, le régime fiscal choisi peut avoir des conséquences sur la gestion de la CFE. Par exemple, sous le régime réel, la CFE est considérée comme une charge déductible du résultat fiscal. Cette déductibilité n'est pas possible sous le régime micro-BIC, où les charges sont prises en compte forfaitairement.

Le choix du régime fiscal doit être mûrement réfléchi, car il impacte non seulement la CFE, mais l'ensemble de la fiscalité de votre activité de location meublée.

Cas particulier des locations saisonnières et airbnb

Les locations saisonnières et les locations de type Airbnb sont soumises aux mêmes règles que les autres locations meublées en matière de CFE. Toutefois, leur caractère souvent ponctuel ou de courte durée peut influencer l'appréciation de l'administration fiscale.

Pour ces types de location, il est particulièrement important de surveiller le seuil de chiffre d'affaires de 5 000 €. En effet, même des locations occasionnelles peuvent rapidement atteindre ce montant, notamment dans les zones touristiques où les tarifs sont plus élevés.

Les plateformes comme Airbnb ne prennent pas en charge le paiement de la CFE pour les loueurs. Il incombe donc à chaque propriétaire de vérifier sa situation au regard de cette taxe et de s'en acquitter le cas échéant.

Calcul et déclaration de la CFE pour les loueurs en meublé

Une fois établi que vous êtes redevable de la CFE, il est essentiel de comprendre comment elle est calculée et déclarée. Le processus peut sembler complexe, mais en le décomposant, on peut mieux appréhender cette obligation fiscale.

Base d'imposition : valeur locative des biens

La base d'imposition de la CFE est constituée par la valeur locative des biens passibles de taxe foncière utilisés pour l'activité professionnelle. Pour les loueurs en meublé, il s'agit généralement de la valeur locative du logement mis en location.

Cette valeur locative est déterminée par l'administration fiscale selon des critères spécifiques, tels que la surface du bien, sa localisation, et ses caractéristiques. Il est important de noter que la valeur locative utilisée pour la CFE peut différer du loyer réel perçu par le propriétaire.

Dans certains cas, notamment pour les petites entreprises, une base minimum d'imposition peut être appliquée. Celle-ci est fixée par la commune ou l'intercommunalité et varie en fonction du chiffre d'affaires du loueur.

Taux d'imposition et variations géographiques

Le taux d'imposition de la CFE est fixé par les collectivités territoriales (communes, intercommunalités). Il peut donc varier significativement d'une localité à l'autre. Cette variation géographique peut avoir un impact important sur le montant final de la CFE à payer.

Par exemple, en 2023, le taux moyen national de CFE était d'environ 26,45%, mais il pouvait aller de moins de 15% dans certaines communes à plus de 35% dans d'autres. Il est donc crucial pour les loueurs en meublé de se renseigner sur le taux applicable dans leur commune.

Ville Taux CFE 2023
Paris 16,52%
Lyon 28,62%
Marseille 32,35%

Formulaires à remplir : déclaration 1447-C et 1447-M

La déclaration de la CFE se fait via deux formulaires principaux :

  • Le formulaire 1447-C : à remplir lors de la création de l'activité ou d'un changement d'exploitant.
  • Le formulaire 1447-M : à utiliser pour les modifications des éléments d'imposition (surface, équipements, etc.).

Ces formulaires doivent être remplis avec précision, car les informations qu'ils contiennent serviront de base au calcul de votre CFE. Une erreur ou une omission peut entraîner une imposition incorrecte.

Il est recommandé de conserver une copie de ces déclarations, ainsi que tous les documents justificatifs liés à votre activité de location meublée. Ces pièces pourront être utiles en cas de contrôle fiscal ou de demande de révision de votre imposition.

Échéances et modalités de paiement

La CFE est payable en deux temps :

  1. Un acompte de 50% à verser au plus tard le 15 juin de l'année d'imposition.
  2. Le solde à régler au plus tard le 15 décembre de la même année.

Pour les montants inférieurs à 3 000 €, le paiement peut se faire en une seule fois, avant le 15 décembre. Le paiement s'effectue en ligne via votre espace professionnel sur le site des impôts. Il est important de respecter ces échéances pour éviter toute majoration.

À noter que la première année d'activité, vous n'êtes pas redevable de la CFE. L'imposition commence à partir de la deuxième année, sur la base des éléments de l'année précédente.

Exonérations et réductions de CFE applicables aux loueurs en meublé

Bien que la CFE soit une obligation fiscale pour de nombreux loueurs en meublé, il existe des cas d'exonération et de réduction qui peuvent alléger cette charge. Comprendre ces possibilités peut vous permettre d'optimiser votre fiscalité.

Exonération pour les meublés de tourisme classés

Les propriétaires de meublés de tourisme classés peuvent bénéficier d'une exonération de CFE, sous certaines conditions. Cette exonération s'applique aux logements classés de 1 à 5 étoiles selon les normes du Code du tourisme.

Pour en bénéficier, le logement doit faire partie de l'habitation personnelle du loueur (résidence principale ou secondaire) et ne pas constituer l'habitation principale ou secondaire du locataire. De plus, la commune où se situe le bien peut décider de supprimer cette exonération par délibération.

L'exonération pour les meublés de tourisme classés peut représenter une économie substantielle pour les loueurs concernés. Il est donc judicieux d'envisager le classement de votre bien si vous êtes dans cette situation.

Abattement pour les loueurs en zone de revitalisation rurale (ZRR)

Les loueurs en meublé dont les biens sont situés dans une zone de revitalisation rurale (ZRR) peuvent bénéficier d'un abattement sur leur base d'imposition à la CFE. Cet abattement vise à favoriser l'activité économique dans les zones rurales en difficulté.

Le montant de l'abattement et sa durée peuvent varier selon les collectivités territoriales. Il est généralement compris entre 25% et 75% de la base d'imposition, et peut s'appliquer pendant plusieurs années.

Pour savoir si votre bien est situé en ZRR et connaître les modalités précises de l'abattement, il est recommandé de se renseigner auprès de votre centre des impôts ou de consulter le site de l'Observatoire des territoires.

Plafonnement en fonction de la valeur ajoutée

Un dispositif de plafonnement de la CFE en fonction de la valeur ajoutée existe pour tous les contribuables, y compris les loueurs en meublé. Ce mécanisme permet de limiter le montant de la CFE à 3% de la valeur ajoutée produite par l'entreprise au cours de l'année d'imposition.

Pour les loueurs en meublé, la valeur ajoutée correspond généralement à la différence entre les recettes locatives et les charges déductibles liées à l'activité de location. Ce plafonnement peut être particulièrement intéressant pour les loueurs dont la CFE représenterait une part trop importante de leur résultat.

La demande de plafonnement doit être effectuée via un formulaire spécifique (n°1327-CET) à déposer au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle de l'imposition.

Contentieux et recours liés à la CFE pour les loueurs en meublé

Malgré une réglementation précise, des litiges peuvent survenir concernant la CFE des loueurs en meublé. Que ce soit en raison d'une erreur de calcul, d'une contestation du montant ou d'une incompréhension des règles, il est important de connaître les voies de recours disponibles.

Procédure de réclamation auprès de l'administration fiscale

Si vous estimez que votre imposition à la CFE est erronée ou injustifiée, vous pouvez introduire une réclamation auprès de l'administration fiscale. Cette démarche doit être effectuée par écrit, de préférence par voie électronique via votre espace professionnel sur le site des impôts.

Votre réclamation doit être motivée et accompagnée de tous les documents justificatifs nécessaires. Elle peut porter sur divers aspects : contestation de la base d'imposition, demande d'application d'une exonération, erreur matérielle

dans le cas d'une erreur sur le taux d'imposition appliqué, etc.

Il est important de noter que la réclamation doit être déposée dans un certain délai, généralement avant le 31 décembre de l'année suivant celle de la mise en recouvrement de l'impôt. Par exemple, pour une CFE mise en recouvrement en 2023, la réclamation devrait être déposée avant le 31 décembre 2024.

Délais de prescription et de recours

Les délais de prescription et de recours en matière de CFE sont encadrés par la loi. Le délai général de prescription est de 3 ans à compter de l'année d'imposition. Cela signifie que l'administration fiscale peut réclamer la CFE jusqu'à 3 ans après l'année concernée.

Pour le contribuable, le délai de réclamation est généralement de 2 ans à compter du paiement de la CFE. Toutefois, ce délai peut être prolongé dans certains cas, notamment en cas d'erreur de l'administration.

En cas de rejet de votre réclamation par l'administration fiscale, vous disposez d'un délai de 2 mois pour saisir le tribunal administratif. Ce recours contentieux doit être bien préparé et argumenté pour avoir des chances de succès.

Il est vivement recommandé de conserver tous les documents relatifs à votre activité de location meublée pendant au moins 6 ans, afin de pouvoir justifier votre situation en cas de contrôle ou de litige.

Jurisprudence récente sur la CFE des loueurs en meublé

La jurisprudence concernant la CFE des loueurs en meublé évolue régulièrement, apportant des précisions sur l'interprétation des textes de loi. Voici quelques décisions récentes qui peuvent impacter les loueurs en meublé :

  • Arrêt du Conseil d'État du 24 avril 2019 : Il a été jugé que la location meublée exercée à titre habituel constitue une activité professionnelle au sens de la CFE, même si elle ne génère pas de bénéfices.
  • Décision de la Cour administrative d'appel de Nantes du 18 octobre 2021 : Elle a confirmé que les loueurs en meublé exerçant leur activité dans le cadre d'une SCI sont redevables de la CFE, même s'ils ne sont pas inscrits au registre du commerce et des sociétés.

Ces décisions soulignent l'importance pour les loueurs en meublé de bien comprendre leur situation au regard de la CFE, indépendamment de leur statut juridique ou de la rentabilité de leur activité.

En conclusion, bien que la CFE puisse représenter une charge significative pour les loueurs en meublé, une bonne compréhension des règles d'assujettissement, des possibilités d'exonération et des voies de recours permet d'optimiser sa situation fiscale. Il est recommandé de se tenir informé des évolutions législatives et jurisprudentielles, et de ne pas hésiter à consulter un expert-comptable ou un avocat fiscaliste en cas de doute ou de litige avec l'administration fiscale.

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